dimanche, octobre 29, 2006

Images et icônes en voie d'extinction

Ce post dépasse un peu les frontières des sujets que nous traitons habituellement.

Juste un peu….

Souvent, quand on pense à un pays, on lui associe une image, une odeur, une ambiance. Quand je pense à mon Vietnam natal, par exemple, j’ai tout de suite l’odeur des tonneaux de nuoc mam (sauce de poisson) qui macéraient près du port quand j’étais petite ou des énormes mangues qui embaumaient les étals de Ben Thanh, le marché central.

A l’annonce que le tabac serait interdit dans les cafés, bars et restaurants à partir de 2008, j’ai ressenti une tristesse que je n’arrivais pas à articuler avec précision.

Manifestement, je n’étais pas seule à pressentir que nous allions perdre quelque chose. Art Buchwald, journaliste et chroniqueur américain, y a consacré un article dans le Washington Post, traduit et publié dans le No. 834 de Courrier International.

Il écrit :

En France, dans les cafés, les fumeurs avaient besoin d’avoir une cigarette à la bouche pour commencer à discuter. Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Pablo Picasso et Alexandre Calder ont trouvé toutes leurs idées dans la fumée qu’ils exhalaient….Il est difficile d’imaginer la France sans tabac…. Un ami français, Henri Fouquet, a dit un jour : « Quand les Américains ont arrêté de fumer, leur culture a décliné. Il va se passer la même chose en France. »

Sa missive fait but : je n’arrive pas à imaginer la perte des cafés enfumés remplis d’étudiants, d’intellos ou de collègues de travail qui font pause autour d’un café, d’une fine ou d’un demi pour discuter à bâtons rompus sans compter le temps qui passe, sans que le serveur les presse à partir ou à commander une autre tournée. Bien qu’il n’y en ait quasiment plus à Paris et de moins en moins en province, bon nombre ont toujours en tête l’image du pépé en bleus de travail avec son béret sur la tête, sa clope au bec (préférablement une Gauloise sans filtre, merci), sa baguette sous le bras, rentrant du boulot sur son vélo ou sa vieille mob. Ces images font autant partie des symboles français que les toilettes turques, les dents mal soignées, et le bain hebdomadaire qui eux, heureusement, se font de plus en plus rares (ou plus nombreux dans notre dernier cas!)

J’ai « vécu la France » tour à tour en tant que fumeuse et non fumeuse et dans les deux cas, même si trop de fumée me pose problème, j’aime l’ambiance qui va avec. Je n’ai jamais fumé de Gauloises, mais leur odeur me manque depuis que les blondes caracolent en tête des ventes. Mon café de quartier va me manquer…

Heureusement, je pourrai toujours croiser Gaby au visage merveilleusement buriné sillonnant les petites routes de ma province sur sa vielle mob, en bleus de travail, béret sur la tête et clope au bec. C’est une icône à lui tout seul.

A bientôt,


Lokahi & Quill

Certes, fumer est mauvais pour la santé et la tabagie passive aussi. Ce ne sont pas les seules choses qui sont dangereuses. En voulant de plus en plus nous protéger contre nous-même, la vie risque de devenir stérile. Et c’est dommage qu’alors que bon nombre d’autres nuisances tout aussi dangereuses (la pollution des véhicules qui crachent leur poison pile à la hauteur des enfants pour ne citer qu’un exemple), celles-ci ne sont pas contrées avec autant d’énergie interventionniste de la part de nos gouvernements.